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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 19:55
       La nuit précédant leur entrée dans
Karbala (*) où elles se rendent en pèlerinage,
cinq femmes évoquent la lapidation de l’une
d’entre elles pour adultère.

Personnages

 

Naneh Hassan

la mère

 

Mardjân

sa fille (la femme lapidée)

 

Zarrine-Kolâh

compagne de Naneh Hassan

 

Khadidjeh

Aziz Agâh

compagnes de Mardjân

"VERS KARBALA, LA VEILLE"

(*) Karbala, en Irak, où, ayant pris les armes contre les Omeyades, l’imam Hosseyn fut massacré avec ses proches en 680 après J.C et où il fut enterré. Lieu de pèlerinage très révéré des musulmans chiites.

 

       J'ai écrit cette pièce à Lyon et Dax entre fin 1990 et début 1991. Je ne l'ai pas fait exprès...

       Elle est actuellement soumise au Comité de Lecture des Éditions Amalthée.

Autour de Karbala… et vers.

« La quête d’absolution

          Le vent brûlant qui soufflait projetait un mélange de poussière et de sable surchauffé aux visages des voyageurs. Tout semblait fondre sous le soleil ardent. Seul vibrait dans l’air le tintement monotone des cloches de cuivre et de fer qui réglait le pas des chameaux. Le cou des bêtes oscillait. A leurs gueules renfrognées et à leurs lèvres pendantes, on voyait qu’elles étaient mécontentes de leur sort.

          La caravane cheminait lentement, soulevant un nuage de poussière le long de la route poudrée de gris. Le paysage était celui d’un désert grisâtre, sans eau ni végétation, où le sable à perte de vue ondulait en légères vagues qui s’amoncelaient par endroit en petits tas de part et d’autre de la route. On parcourait des kilomètres sans qu’un seul palmier vînt changer la vue. Aux rares endroits où un peu d’eau croupie dormait dans un fossé, des familles s’étaient installées. L’air brûlait au point qu’on n’osait même plus respirer, tout comme si l’on eût été dans le couloir même de l’enfer.

          Il y avait à présent trente six jours que la caravane était en route. Les bouches étaient desséchées, les corps endoloris, les poches vides. L’argent des voyageurs s’était évaporé comme neige au soleil d’Arabie. Et puis le chef des muletiers avait enfin gravi la Colline du Salut (*), ce qui lui avait valu les gratifications des pèlerins, et les minarets d’or étaient apparus, cependant que chacun se répandait en bénédictions, invoquant le nom du Prophète et de ses descendants. Alors seulement, il sembla qu’une vie nouvelle soufflât sur les corps meurtris.

          Quatre femmes, sous leurs minces voiles poussiéreux couleur de crème, avaient été cahotées dans un cacolet depuis Ghazvine. Chaque jour avait semblé une année. Aziz Agâh était fourbue et endolorie, mais elle se disait : « C’est très bien ainsi, car je souffre pour un pèlerinage, nous souffrons pour la lapidée ». Quand la caravane s’arrêta, il commençait à se faire tard… »

Sadeq Hedâyat : Nouvelle

          (*) On appelle « Colline du Salut » le sommet d’où se révèlent aux regards des pèlerins le dôme et les minarets d’un sanctuaire. L’usage veut que le voyageur qui les aperçoit le premier reçoive une récompense de ses compagnons de route.

Naneh Hassan

Appel, bouche cousue.

Appel, paupières closes.

Appel, poitrine creuse et béante blessure.

Entends, source tarie ! Entends ! Entends ma voix !

Antre de mes lumières !

de mes ténèbres, source ! entends-moi !

        Entends-moi !

        A l’heure et au moment, gronde, gronde sous moi !

        Et bouillonne ! Fermente !

        Remonte à mes entrailles ! Frappe contre mon ventre !

        Frappe !

        Frappe à ma voix ! Déchire-moi la gorge !

Enfle-toi ! Gonfle-moi ! Frappe encore !

        Et jaillis !

Zarrine-Kolâh

         Laquelle parmi nous pourra jamais savoir

l’invisible voyage accompli près de nous

enduré jusque là

parmi nous ?

        Notre chérie, Naneh !

notre Naneh Hassan, vieille mère entre toutes…

        Réponse du silence.

        Entre nous déposée, ne sois pas la plus folle. Pour la paix de nos cœurs et pour notre repos, ne trouble pas la nuit. Nous veillons avec toi.

        Que dira Khadidjeh ?

Khadidjeh

        Joignons, paumes à paumes !

nos mains désassemblées où le destin des unes est, dès longtemps, inscrit dans les lignes des autres.

        La lune moharram, dans le voile s’emmêle à sa dixième nuit.

Naneh Hassan écoute.

(...)

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