Lorsque l’idée, l’envie nous prennent de butiner les pollens de cette pièce, l’usage, le réflexe nous attirent généralement au miel et à la défense de la veuve et de l’orphelin. Andromaque est ce que l’on nomme un rôle titre. Mais il est intéressant de souligner (plus que de simplement noter) qu’il n’est pas le rôle principal. La comptabilité des scènes révèle 7 scènes pour Andromaque, 9 pour Pyrrhus, 11 pour Oreste et 12 pour Hermione. Des commentaires… ?
Cette fois encore, l’humain fait les frais du politique : Andromaque est le prétexte de cette suite de l’histoire (l’Iliade) que re-conte la tragédie de Racine ; la mère est, avec son fils, le détonateur d’un conflit annoncé entre la Grèce et l’Epire ; comme Hélène fut celui de la guerre de Troie. Comme Hermione ne la sera ni de l’un, ni de l’autre. Nous entrons dans le vif d’un sujet à vif…
« Quoi ? sans qu’elle employât une seule prière,
Ma mère en sa faveur arma la Grèce entière ?
Ses yeux pour leur querelle, en dix ans de combats,
Virent périr vingt rois qu’ils ne connaissaient pas ?
Et moi, je ne prétends que la mort d’un parjure,
Et je charge un amant du soin de mon injure,
Il peut me conquérir à ce prix sans danger,
Je me livre moi-même et ne puis me venger ! »
Hermione : Acte V - Scène 2
… et dans l’intimité d’un couple ravageur et ravagé :
« Prenons, en signalant mon bras et votre nom,
Vous, la place d’Hélène, et moi, d’Agamemnon »
Oreste : Acte IV - Scène 3
Comment croiser les protagonistes de cette saga people sans penser à leurs géniteurs : avorteur, infanticide, « humains trop humains »… Embarras des choix : celui de croire que les enfants mis ici en pièce(s) sont les dignes successeurs de leurs héros de parents ; ou celui de déceler en eux, et plus que leur descendance ! leur logique dégénérescence, leur atrophie… Le choix aussi de les sentir et les reconnaître dignes successeurs de leurs déjà dégénérés géniteurs… même Achille, le demi-dieu. A tant nous effrayer par leur inconsciente et attardée adolescence, ils nous font aussi pitié : nous sommes de plain pied dans la tragédie, celle particulière sur laquelle flotte, avec une certaine et lasse langueur de vivre, Andromaque elle-même.
Pyrrhus hésite à la croisée de tous ses possibles : fils d’Achille, il lui faut se faire un prénom. Velléitaire et toujours indéterminé dans sa fascination pour la veuve du héros (Hector) qu’a tué son père, Pyrrhus ressemble étrangement à Néron, le monstre naissant de « Britannicus ».
Est-ce ne pas aimer des personnes/personnages que d’oser leur laisser prendre le risque, ou tenter la chance, d’être regardés en face, abordés par côté(s), sentis, compris… aidables ! avant qu’ils ne se mènent, les uns les autres et autant qu’eux-mêmes, à leur aussi propre que sanglante perte ? Est-ce ne pas nous aimer que tenter de nous mettre en garde autant contre nous-même que contre nos autrui ?
Suivant ce qui est maintenant pour nous un impératif, nous jouerons la pièce en costumes contemporains : toujours le soin curieusement exigeant de ne pas travestir la parole en l’enfermant dans son berceau originel. Cette fois encore : le risque - aussi bien que la chance - de trahir l’auteur autant que de le révéler. 24h chrono. Les coulisses diplomatiques du sommet d’un G2. Vie publique – Vie privée. « Point de vue – Images du Monde » : le dit grand et beau. Ni faux grec, ni vrai kitch !
(Illustration : Jack Vettriano - "Dance me to the End")
2 - Nos pères, ces héros…
Beauvais. Cimetière Militaire Allemand. Photo B. Maimbourg
Oreste : fils d’Agamemnon et de Clytemnestre ; petit-fils de Léda et de Zeus qui l’a séduite en prenant la forme d’un cygne. Cousin donc d’Hermione par son père et sa mère: les deux frères (Agamemnon et Ménélas) ont épousé les deux soeurs (Clytemnestre et Hélène).
Agamemnon : fils d’Atrée… les Atrides, ah…! Il tua le fils de son oncle Thyeste : Tantale, premier époux de Clytemnestre qu’il épousa, après lui avoir arraché du sein le bébé qu'elle attendait. Principal organisateur de l’expédition punitive contre Troie suite à l’enlèvement de la femme de son frère Ménélas, Hélène (mère d'Hermione), et retenu par la vengeance d’Artémis, il lui immole sa fille, Iphigénie, malgré l'opposition du demi-dieu Achille, son fiancé (et déjà père de Pyrrhus).
Clytemnestre : fille de Léda et de Zeus, et donc sœur d'Hélène. Irritée par le sacrifice d’Iphigénie, elle se vengera en nouant, pendant la guerre de Troie, une liaison adultère avec Egisthe avec la complicité duquel elle tuera Agamemnon à son retour de Troie, avant d’être elle-même assassinée par Oreste.
Au moment où se déroule la pièce, Oreste, pour venger son père, a depuis peu tué sa mère.
Hermione : fille de Ménélas et d’Hélène ; petite-fille de Léda et de Zeus. Cousine donc d’Oreste.
Pyrrhus : fils d’Achille et de Déidamie.
Achille : après l'enlèvement d'Hélène par Paris, sa mère, la divinité marine Thétis, le déguise en jeune fille et le confie à Lycomède, roi de Scyros, pour l’empêcher de partir pour la guerre, où elle sait qu'il doit périr. Achille séduit Déidamie, fille de Lycomède, qui lui donne Pyrrhus (Néoptolème). Après le départ, d'Achille, Lycomède élève son petit-fils jusqu'à ce qu’un oracle déclare que la ville de Troie ne peut être prise s'il n'y a, parmi les assiégeants, un descendant des Éaque. Les Grecs envoient alors chercher Pyrrhus qui n'a que dix-huit ans.
« … et la chair s’est faite cri, et le cri s’est fait verbe, et le verbe était chair…
- Abîme…
Il l’avait examiné sous toutes ses faces, il l’avait retourné, infiniment pesé, détaillé et lui avait crié : « Abîme ! », tant il l’avait trouvé informe et vide entre ses mains.
- Ô solitude ! soupira-t-il. »
Michel Béatrix : « Son Nom de Lumière dans Carthage endormie »
3 - Jean Racine
1639
1664
La Thébaïde
1665
Alexandre le Grand
1688
Les Plaideurs
1669
Britannicus
1670
Bérénice
1672
Bajazet
1673
Mithridate
1674
Iphigénie
1676
Phèdre
1689
Esther
1691
Athalie
1699
2009
… et voilà !
4 - La Terreur et la Pitié
« Humain, trop humain constitue le témoignage d'une crise (…) : « Là où vous voyez de l'idéal, je ne vois que des choses humaines, des choses, hélas ! trop humaines ! »... Je sais mieux l'homme... C'est le seul sens qu'il faille donner ici au mot de libre esprit : celui d'esprit affranchi qui a repris possession de lui-même. L'accent, le timbre de la voix se sont complètement modifiés. (...) Il semble qu'une certaine distinction d'esprit, une certaine noblesse du goût cherche à s'y maintenir constamment contre les courants de la passion. (…) Armé d'une torche dont la lumière ne tremble pas je promène une lumière aiguë dans ces souterrains de l'idéal. C'est la guerre ! Mais sans poudre et sans fumée, sans attitudes belliqueuses, sans emphase et sans jambes cassées, la guerre serait encore de l' « idéal ».
J'étends posément les erreurs l'une après l'autre sur la glace ; je ne réfute pas l'idéal, je le congèle... Ici, par exemple, c'est le « génie » qui se frigorifie ; tournez au coin et c'est le « saint » ; le « héros » gèle sous une épaisse chandelle de glace ; puis la « foi », enfin la « conviction » ; il n'est pas jusqu'à la pitié qui ne se réfrigère fortement, presque partout on voit geler la "chose en soi"... »
Gustave Doré : « La Divine Comédie »
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Encore s'est-il trouvé des gens qui se sont plaints qu'il s'emportât contre Andromaque, et qu'il voulût épouser une captive à quelque prix que ce fût. J'avoue qu'il n'est pas assez résigné à la volonté de sa maîtresse, et que Céladon a mieux connu que lui le parfait amour. Mais que faire ? Pyrrhus n'avait pas lu nos romans. Il était violent de son naturel, et tous les héros ne sont pas faits pour être des Céladons. Quoi qu'il en soit, le public m'a été trop favorable pour m'embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes qui voudraient qu'on réformât tous les héros de l'antiquité pour en faire des héros parfaits. Je trouve leur intention fort bonne de vouloir qu'on ne mette sur la scène que des hommes impeccables mais je les prie de se souvenir que ce n'est point à moi de changer les règles du théâtre. Horace nous recommande de peindre Achille farouche, inexorable, violent, tel qu'il était, et tel qu'on dépeint son fils. Aristote, bien éloigné de nous demander des héros parfaits, veut au contraire que les personnages tragiques, c'est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la tragédie, ne soient ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants. Il ne veut pas qu'ils soient extrêmement bons, parce que la punition d'un homme de bien exciterait plus l'indignation que la pitié du spectateur ; ni qu'ils soient méchants avec excès, parce qu'on n'a point pitié d'un scélérat. Il faut donc qu'ils aient une bonté médiocre, c'est-à-dire une vertu capable de faiblesse, et qu'ils tombent dans le malheur par quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester. »
Racine : « Première Préface »
5 - Andromaque…
"…un sourire imperceptible flotte sur ses lèvres ; elle sait, mais ses usages ne le feront jamais paraître, qu'elle appartient à un monde désormais sur la voie de l'engloutissement.
Ne lui reste que le front haut....
Les trains ont déjà commencé à partir....
Autour d'elle flotte ce qu'elle déteste par-dessus tout : non pas la mort, qu'elle ne craint plus pour l'avoir regardée déjà les yeux ouverts, au-delà du supportable...
On peut, on peut, oui, mais au prix fort, ne pas plier devant un corps mort qui est la moitié de votre chair. On peut, oui, mais à la condition expresse de savoir que votre propre corps n'est rien... Mais le pire : la compromission avec la mort, cette danse de pitres que d'aucuns appellent la diplomatie, et les plus lucides le report d'un wagon... encore... Et savoir désormais que c'est dérisoire...
C'est cela, son sourire...
D'où le frémissement d'horreur intense (mais qu'elle feutrera - ou feulera) qui peut la saisir, comme glacée, quand les convenances - où la simple patience - lâchent devant les risibles atermoiements d'hommes-enfants aux poses mussoliniennes, soit grotesques, soit attendrissantes comme des boucles brunes sur un front que l'on voudrait caresser, parce que de séduisantes poses bravaches sont un atermoiement face au vide…
Oui, caresser peut-être encore (qui aime mourir ?).
Mais derrière : la conscience irréductible du vide, et cette conscience comme dernière noblesse...
Et la conscience que derrière le vide d'autres voix appellent, qui sont le soubassement même de votre être, le prix de votre conscience, le poids de votre dignité, le sens même, passé au-delà du miroir, du mot "noblesse", le lest du monde, sans quoi il n'est, ce que Racine sait prodigieusement inventer, qu'un Zeppelin fou propre seulement à s'écraser sur tous les flans de montagnes que nos illusions nous présentent comme désirables...
On voudrait l'embrasement beau... ce n'est toujours que baudruche qui flambe...
Andromaque sourit... sa race meurt, son enfant est déjà mort. Le reste n'est plus qu'un jeu avec une tombe déjà creusée que l'on repousse parce que l'on se sent vivante encore, mais que l'on aime déjà, aussi..." Franck Laillaut de Wacquant
(Illustrations - William A. Bouguereau : "Elegy" - Jack Vettriano : "The singing Butler")
6 - « Pendant les guerres…
… les mères inquiètes avaient mis au monde une génération ardente, pâle, nerveuse. Conçus entre deux batailles, élevés au roulement des tambours, des milliers d’enfants se regardaient entre eux d’une œil sombre, en essayant leurs muscles chétifs. (…)Ils savaient bien qu'ils étaient destinés aux hécatombes… mais quand même on l’aurait dû, qu’était-ce que cela ? La mort ressemblait si bien à l'espérance qu'elle en était comme devenue jeune, et qu'on ne croyait plus à la vieillesse. Tous les berceaux étaient des boucliers. Tous les cer-
cueils en étaient aussi. Il n'y avait plus vraiment de vieillards : il n'y avait que des cadavres ou des demi-dieux. (…)
Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines ; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir ; et entre ces deux mondes … quelque chose de semblable à l’Océan, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris. (…)
Un sentiment de malaise inexprimable commença alors à fermenter dans tous les cœurs jeunes. Condamnés au repos par les souverains du monde, livrés aux cuistres de toute espèce, à l'oisiveté et à l'ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d'eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras. Tous ces gladiateurs frottés d'huile se sentaient au fond de l'âme une misère insupportable.
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Les plus riches se firent libertins ; ceux d'une fortune médiocre prirent un état et se résignèrent soit à la robe, soit à l'épée ; les plus pauvres se jetèrent dans l'enthousiasme à froid, dans les grands mots, dans l'affreuse mer de l'action sans but.
Comme la faiblesse humaine cherche l'association et que les hommes sont troupeaux de nature, la politique s'en mêla. (...) Mais des membres des deux partis opposés, il n'en était pas un qui, en entrant chez lui, ne sentît amèrement le vide de son existence et la pauvreté de ses mains. »
Musset : « Confession d’un Enfant du Siècle »
(Illustrations - Jack Vettriano : "Elegy for a dead Admiral" - Tiepolo : "Le SAcrifice
d'Iphigénie")
7 - « Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? »
Acte 5. Scène 1. Vers 1393
Photo : Olivier Driian
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Claire Lebobe-Maxime – Andromaque : « Reine de Troie, butin de guerre. Reine, en Epire, du cœur de Pyrrhus. Anesthésiée : définitivement insensible aux joies, aux peines, aux plaisirs, aux douleurs, au bonheur, aux batailles et au repos. La vie continue et passe, sur laquelle je flotte comme un grand lys. Maternelle encore par réflexe. Royale jusqu’au bout : le trône d’Epire sur lequel je succèderai à Pyrrhus assassiné. »
Photo : Olivier Driian
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Jean-Marc Louaisil – Pyrrhus : « Je sais : elle pourrait être ma mère, mais je l’aime. Et je suis son maître. Je suis sûr que mon père comprendrait. Enfin, je crois… ! Auréolé de son nom, de ses exploits et des miens, je me suis déjà fait, à dix-neuf ans, un prénom. J’aime et suis doublement aimé. Je jouis à plaisir égal de ma gloire et de mes amours. »
Photo : Marion de Saint Vaast
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Céline Barbarin – Hermione : « Ah ! ne me parlez plus de ma mère : objet de guerre, sujet d’opéras et de plaisanteries… ! Ne parlez tout simplement plus d’elle ! Parce que moi je suis qui, je fais quoi dans tout ça, avec mon roi cocu de père qui continue à lui courir après, avec Pyrrhus, avec Oreste ? Je ne suis pas que la fille d’Hélène ! »
Photo : Marion de
Saint Vaast
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Hervé Tharel – Oreste : « Portrait chinois… Un objet : un pion. Une couleur : rouge crise. Un itinéraire : un labyrinthe. Un fil : Hermione. Une fleur : le désespoir du peintre. Un animal : le lapin blanc et pressé de Alice au Pays des Merveilles. Un mot pluriel et chaotique : dé-pression(s). Un pays : Hermione. Avec un éclat de rire qui gémit dedans. »
Photo : Olivier Driian |
Aurélien Métral – Pylade : « Au corps à cœur des amb(r)assades. Grandeur et misère de l’ami confident. J’aurais peut-être dû me faire psy : Oreste n’est pas toujours – on pourrait dire : jamais – facile à gérer. A force d’avoir peur pour lui, je finis par avoir peur pour moi. De quoi rira celui de nous deux qui, le dernier, rira… ? »
Photo : Olivier Driian |
Françoise Jardel – Cléone : « Grande copine souffre-douleur d’Hermione à laquelle je me voue corps et âme. Naïvement complice de ses frasques, de ses ambitions et de ses tumultueuses velléités. Accompagnante fidèle, craintive, joyeuse, apeurée, admirative, négligée et… terriblement sentimentale. »
Photo : Marion de Saint Vaast |
Michel Béatrix – Phoenix : « Gouverneur de Pyrrhus après avoir été celui d’Achille, son père. Vieux briscard, spectateur distant de l’arène politique dans laquelle je n’accompagne le petit que par affection. Familier de toutes les têtes couronnées. J’ai bien connu Hector et Andromaque, avant la guerre. »
Photo :Olivier Driian |
Marion de Saint-Vaast – Céphise : « Confidente d'Andromaque qui me traite parfois de "geôlière sévère et autoritaire"... Je ne la comprends pas toujours mais respecte ses choix. Seule alliée qui lui reste, je la pousse à se révéler, à divulguer ses pensées, ses désirs, ses intentions tout en souhaitant qu’elle cède à Pyrrhus, qu’Astyanax soit sauvé et que la dynastie troyenne triomphe. »
Photo : M.B
Voici donc le troisième rendez-vous auquel nous répondons avec ce lieu magique et généreux qu’est la crypte Saint-Joseph. Lieu d’accueil et de partage, il va, cette fois encore, jouer son rôle à plein puisqu’il sera celui-là même dans lequel Pyrrhus convoque et reçoit la Grèce et ses Ambassades. Parfums et rythmes d’avant-guerre…
Pour son accueil et son écoute, nous remercions chaleureusement le père Jean-Rémy Falciolla, notre ami de longue date, rencontré en
1996 lors de la création du "Récit de la Passion" de Péguy dans le cadre des célébrations du centenaire de la basilique de Fourvière.
C'est avec lui que nous avions conçu en 2003, dans le cadre du festival "La Chair et Dieu", de monter "Polyeucte" de Corneille à
la cathédrale Saint-Jean (où une représentation fut donnée en plus de celles qui eurent lieu à l'église Saint-Martin d'Ainay). Le titre phare de ce festival nous a vivement interpellés sur notre
art et notre vocation, et nous a incités à poursuivre notre travail de création sous son éclairage. Nous en avons éclairé la parole théâtrale et son acte, et ne l'avons plus trouvée
seulement résonante d'humanité mais vibrante d'interrogations sur la création et son Créateur, fût-il nommé Dieu ou hasard. De ce point de vue, le théâtre est la célébration de l'homme et la
liturgie de sa parole.
A ce titre, il nous paraît judicieux et urgent de la faire entendre et se réfléchir en nous dans les lieux propices à son écoute, sa réception et sa méditation, de lui rendre sa prééminence sur le spectacle. La Crypte Saint-Joseph peut devenir et être ce berceau d’Art et de Créations…
Heureux et honorés d'être reçus et hébergés au sein de la communauté paroissiale, nous y vivons notre présence comme une opportunité de lui offrir
celle d'y accueillir à son tour, et d'une façon plus large, celles et ceux, connus ou inconnus, qui, plus que du spectacle ou de la distraction - fussent-ils culturels - demandent et cherchent à
se rencontrer.
Depuis la création de « Polyeucte » de Corneille, la Cie Michel-Béatrix a monté « Tartuffe » de Molière, « L'Annonce Faite à Marie » de Claudel, « Les Bonnes » de Genet, « Dom Juan » de Molière et « Pilate » de J.Y Picq.
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9 - De son propre aveu...
Michel Béatrix est « entré en théâtre comme d’autres entrent en religion ». Sans avoir jamais vraiment su à quoi, il s’est toujours senti appelé : c’est le propre des vocations.
La solide formation littéraire et théâtrale qu’il a reçu de ses maîtres et amis, la co-direction de l’Arcane-Théâtre (1975-1984) lui ont très patiemment appris à reconnaître, à suivre et à exprimer ses choix artistiques moins dans l’esprit d’un plan de carrière que dans celui d’un véritable apprentissage d’artisan.
Les auteurs classiques (Corneille, Goldoni, Hugo, Laclos, Molière, Musset, Racine, Shakespeare…) et contemporains (Anouilh, Gent, Ionesco, Mishima, Obaldia, Pinter, Tchekhov, Strindberg, Vauthier, Xenakis…) qu’il a joués et/ou mis en scène, ainsi que son propre itinéraire intérieur lui ont permis d’asseoir et de concilier métier et sensibilité.
De Phèdre de Racine (1976) à Andromaque de Racine (2008) en passant par La Confession d’un Enfant du Siècle de Musset (1982), Les Liaisons Dangereuses de Laclos (1995), La Passion de Péguy (1996), Polyeucte de Corneille (2003), Tartuffe de Molière (2004-2005), L’Annonce Faite à Marie de Claudel (2007), Les Bonnes de Genet (2008), Dom Juan de Molière (2008) et enfin Pilate de Jean-Yves Picq (2009), un même fil conducteur a toujours guidé Michel Béatrix dans une interrogation sur l’Amour et la Langue leurs origines qui nous dépassent et leurs implications qui nous emportent
Homme de théâtre, de cinéma et de télévision, Michel Béatrix est un comédien à multiples facettes qui irise ses rôles, aussi bien que les comédiens qu’il dirige, de reflets variés qui soulignent la richesse et la densité des ombres qu’il sait leur et se préserver.
Carrière atypique que celle de ce comédien, auteur, metteur en scène et enseignant pour qui la pratique du théâtre est avant tout celle du Vivant. Pratique qu’il prolonge, développe et partage dans les stages qu’il anime sur le thème L’Intime et l’Apparent, ou en milieu scolaire dans celui des modules d’accompagnement dont il est chargé, pour l’étude des pièces inscrites au programme des classes de premier et second cycle.
" Le théâtre est la célébration de l'homme et la liturgie de sa parole. A ce titre, il nous paraît judicieux et urgent de la faire entendre et se réfléchir en nous dans les lieux propices à son écoute, sa réception et sa méditation. "
Photo : M.B