Jusqu'au 26 juillet, vous aviez deux bonnes raisons pour venir apprécier Andromaque, la fameuse tragédie grecque que présentait pour
clôturer sa saison la Compagnie Michel Béatrix : pour l'intensité des passions que les comédiens ne pouvaient que vous communiquer, et pour la fraîcheur bienvenue et le décor décalé que
vous trouviez dans la crypte de l'église Saint-Joseph des Brotteaux. Un avant-goût de la saison prochaine ?
Destin, devoir, sacrifice, folie et amour passionnel s'entremêlent dans la pièce de Racine. L'histoire est tragiquement simple : Oreste aime
Hermione, qui veut plaire à Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui n'aime que son fils Astyanax et son défunt mari Hector. Chaîne amoureuse qui va inéluctablement exploser sous nos
yeux.
Cette pièce de Racine, créée en 1667, arracha des pleurs à la cour royale, qui fut émue par le lyrisme de cette tragédie. Un peu plus de trois
siècles plus tard, difficile de n'être pas ému à notre tour devant la quête désespérée de ces personnages qui courent dignement à leur propre perte. A souligner, la prestation des huit
comédiens : ils nous livrent au plus près le cœur d'un texte, qui, loin de figer l'émotion par une rigidité supposée de l'alexandrin, la magnifie.
"Racine a besoin de vous"…
Ces mots laissés sur le livre d'or vont forcément droit au cœur de Michel Béatrix, le directeur et metteur en scène de la compagnie éponyme.
"Comme pour Pilate, notre précédente pièce, "force" et "beauté" apparaissent à plusieurs reprises dans les commentaires des spectateurs. Mais ce "Racine a besoin de vous" est le plus
responsabilisant !". Pourtant, la mise en scène a de quoi surprendre au départ : dans un décor de salon chic et épuré, où sont disposées des tables basses blanches que viennent seulement
colorer quelques revues people, des chaises sont disposées tout autour. Abolissant l'opposition scène/public, les comédiens viendront même au cours de la pièce s'asseoir à
l'occasion près de vous ! "C'est un théâtre de chambre, le spectateur est là, à sa place".
Une transposition moderne qui rapproche paradoxalement cette Andromaque de son contexte originel : "avec ce décor et ses costumes symbolisant une réunion mondaine, comme par exemple les
coulisses d'un G8, le but est d'adopter la même attitude que Racine avec ses contemporains. En plein dans son siècle, sa pièce contenait en effet beaucoup de similitudes avec des
événements rythmant la cour du roi. A tel point que cela a gêné Louis XIV, qui pour dompter Racine en a fait son historiographe officiel... ce qui a d'ailleurs marqué la fin des grandes
oeuvres du poète tragique."
La saison 2009-2010 se dé-crypte
Un an après avoir investi la crypte de l'Eglise Saint-Joseph des Brotteaux dans le 6ème arrondissement de Lyon, Michel Béatrix s'y plait : "ce lieu n'a pas tous les standards des salles
classiques, avec leur guichet, leurs gradins... Et nous n'avons pas voulu la "déguiser" comme telle : du coup les gens sont surpris mais finalement détendus, ce qui modifie leur capacité
de réception des pièces. Et ils n'ont pas à redouter des leçons de spectacle étouffantes !".
La saison prochaine y donnera donc rendez vous, mais pas seulement : "la saison à venir va être un peu spéciale. Nous commencerons du 3 au 29
novembre par la reprise d'Andromaque justement, puis nous entrerons en lien avec le calendrier spirituel, et jouerons 3 spectacles en mars, durant le temps de carême : "Le Récit de la
Passion" de Charles Péguy ; la reprise de "Pilate" de Jean-Yves Picq (pièce jouée en mars 2009, ndlr), pièce aride qui a pourtant déclenché une passion ; la création des
"Avant-dernières Paroles de l’Homme" (de Michel Béatrix, ndlr). Nous profiterons ensuite du mois de juillet, période privilégiée de détente, pour une pièce qui pourrait être un reprise de
L'Annonce faite à Marie. Cette pièce de Claudel avait remporté un succès remarqué en 2007 à l'Abbaye d'Ainay. Mais je me réserve un droit de joker pour cette dernière œuvre..."
Davy LAURENS : "SORTIR - LYON RHÔNE ALPES"
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